8 mai 2013

Zone 4 (39)

Achille file sur la 102, heureux. — Il décélère, accélère plusieurs fois, faire hurler le deux-temps.
À droite, après les ronciers, les décontaminateurs, dans les blockhaus de la falaise. Des chants s’élèvent dans le firmament du soir.
L’épicerie-bar-tabac-boucherie-marchand-de-journaux au bout de la rue, où Mère quémandait des croûtes de gruyère quand elle était une enfant, ferme une semaine avant la guerre des Malouines. (Mère a l’âge d’Achille, elle se réjouit de l’imminence d’une Troisième Guerre mondiale, elle l’attend, comme dans un poème d’Apollinaire, « Ah Dieu ! que la guerre est jolie/ Avec ses chants ses longs loisirs »). Thatcher est une salope, la France fabrique des Exocets qui coulent ses destroyers. Mère ne sait pas encore qu’elle épousera un Royal Marine.
Achille entre dans la période la plus intense de sa vie. Il aime le soleil, les balades en 102. Il aime l’odeur des buissons.
L’odeur des buissons, surtout. La consolation d’Achille — Il ferme les yeux : Mère et lui marchent dans le petit bois — les odeurs sont des dieux qui marchent à leurs côtés. Les odeurs disent de vivre. Il n’existe aucune autre force au-dessus d’elles. Ni la Mort, ni Mère elle-même.

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