11 nov. 2013

Le Nuage (75)

Nous nous arrêtons pour boire des sodas glacés, pour parler aux serveuses écrasées de crasse et de chaleur sous une blouse blanche taille 44.
Puis nous repartons, pénétrés par les masses grouillantes et benoîtes des lombrics. Le sol est sapé par des milliards de microgaleries, le continent est ravagé, fertilisé par les réseaux chthoniens, dominés par des vers aux pouvoirs surnaturels, capables comme les hydres de se régénérer.
J’écoute l’homme à la Ford ; je ne cherche pas à l’interrompre lorsque je ne comprends pas le sens de phrases entières ; il ne se soucie pas que je l’écoute. Son cerveau est foré de milliards de galeries où se meuvent par ondoiements lents et précis les lombrics.
Paisible vie contenant la Vie sous son aspect ombilical, je traverse la plaine humide à bord d’un vaisseau qui prend la poussière.
Après une autre plaine, celle-là habitée en surface par des baraques de bois et de taules et de bidons sévèrement rangées en blocs rectilignes, nous entrons dans Ithaque par le sud, quartier des abattoirs et des boucheries pleines de tonnes et de tonnes de viandes où déjà les vers ont commencé leur doux travail de sape. L’homme achète deux gros cœurs qu’il dépose entre mes pieds, deux gros cœurs qui s’écroulent, las et repus de vie et d’herbe lointaine.

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