10 déc. 2012

In God We Trust (28)

Le Polack et sa frangine n’étaient qu’un avertissement de ma nouvelle condition d’esclave de Mickey. Raoul ne fit aucune allusion au morceau de cartilage qui avait été un nez au milieu de ma figure. J’évitai de parler de ma déplorable aventure de l’Entresol. J’évitai d’évoquer ce manque de douleur devant la disparition de son père. Je l’aimais bien Elvis, que je pensais. Mais ce n’était pas à l’ordre du jour de notre déjeuner au sommet. Je devais me faire à l’idée que le Plan était en marche et que j’en faisais partie jusqu’au cou. Malgré ça, Elvis me manquait. Je visualisais comment les Yougos étaient passés au Grace Land et lui avaient expliqué, avec leur accent inimitable, comment le Polack et sa frangine suédoise m’avaient pigeonné à l’Entresol. Elvis se marrait. Elvis disait : Eh, Franky, t’es sûr d’avoir quelque chose à écrire maintenant. T’es un vrai dur, on dirait. C’est à cet instant que les Yougos avaient dû commencer à le tabasser. Du moins, c’est comme ça que je m’imaginais le truc… Raoul dans le blanc des yeux.
— Raoul, je crois que je suis pas fait pour ce boulot.
— Frank, t’as été sensas. Vraiment.
— Mais putain, Raoul, faut que je t’explique…
Raoul prit une gorgée de Côtes du Rhône.
— Quand j’ai assaisonné Eddy, au début ça m’a foutu un peu les boules, tu vois. Et puis, plus je tournais l’étau, moins je ressentais ce que tu appellerais de la pitié. En fait, je flippe parce que depuis le coup, je ne ressens plus rien. Même pas la satisfaction du travail bien fait. Je suis devenu insensible. Je suis engourdi de l’intérieur. Plus rien : ni peur, ni compassion, ni plaisir. Rien. Je suis un monstre.
— Frank, t’es un gars sensas. Un mec à la coule.

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