1 avr. 2013

Zone 4 (19)

En 1994, le temps change. Le ciel devient noir. C’est l’hiver pendant cinq ans. Après, tout semble redevenir normal.
Le plus souvent, Achille filme avec un petit camescope numérique de marque Canon. La mère exige qu’il tourne deux heures de vidéo par jour. Elle s’est lassée des films de cinéma (même si Bullitt avait été son préféré ; elle vouait un culte au couple McQueen-Bisset). La mère nourrit un mépris absolu pour la télévision depuis que le groupe PepsiCo a pris le contrôle des canaux de diffusion — et bien que la multinationale soit l’ancien employeur de son défunt mari et qu’elle et son fils doivent leur survie à la pension que leur verse la firme.
Les vidéos d’Achille sont une bouffée d’oxygène pour la mère, elle ne sort jamais de sa chambre. Achille ne reçoit aucune consigne claire, il sait que la mère est heureuse lorsqu’il filme la nature, les fleurs, les buissons, les arbres et les ciels vanille.
Le ciel qui se referme comme un autoclave sur l’archipel ne lui offrira aucune joie, pense-t-il. Achille presse le bouton off.
La mère veut revoir le monde tel qu’il était avant la catastrophe, avant la colère d’Apollon, avant la naissance d’Achille.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire