17 oct. 2012

Écrire & Fumer (12)

Dave se redressa, raide comme un « i » devant le joystick qui lui servait à manœuvrer le navire (on vit le titre du roman : L’étrange agonie). Il regardait Phil comme si ce dernier venait de provoquer une mutinerie et qu’il était question de le jeter à la mer.
— Monsieur Thevet, trouvez la colonie et détruisez-la, ordonna le second.
Tommaso attrapa le cerveau de Phil par le bras et le fit sortir de la passerelle. L’océan n’avait plus rien d’un décor en carton peint. L’étendue grise était hérissée de crêtes écumeuses et de plaques de glace à la dérive. Le ciel était de la même teinte grise, quoiqu’un ton plus clair. La température avait chuté à moins quinze degrés et un vent violent se levait.
— Le navire est en acier ! dit le cerveau de Phil comme s’il avait trouvé la solution au problème des termites, une solution à laquelle ces marins expérimentés n’avaient pas pensé.
— Baisse la tête, dit Tommaso, regarde tes pieds.
— Quoi, mes pieds ?
Le cerveau de Phil baissa les yeux et vit que le pont était en teck.
— Mais c’était de l’acier !
— On n’est pas sur un vrai brise-glace, coco, tiqua Tommaso. Ce bateau sort de ton cerveau à la con et je dois dire que tu n’as pas vraiment pris la peine de te documenter avant de nous enrôler sur cette épave. Je me demande comment on a pu survivre au passage de Drake. Tes termites vont nous bouffer le moindre centimètre cube de bois qui couvre ce navire. C’est sûr, il ne va pas couler. La double coque est en acier, mais les termites vont réduire en poussière les ponts, les cloisons et les portes, mais surtout, elles font bouffer tous les putains de câbles électriques ! »
Une grosse houle d’ouest se mit à faire tanguer le Tsibalt. Le cerveau de Phil vit les trois cocottes Seb glisser sur le pont et se fracasser contre le bastingage. On aurait dit trois pierres de curling lancées par un trio d’Écossais alcoolisés.
« Qu’est-ce qu’elles foutent dehors tes cocottes ? Tommaso avait les yeux comme des billes.
— La vapeur ! J’allais quand même pas embuer la cambuse !
— Tu sais que tu peux passer le couvercle sous l’eau froide…
Tommaso et le cerveau de Phil saisirent chacun une cocotte et rentrèrent dans la cambuse. Le cerveau de Phil ressortit et revint avec la troisième, qu’il posa sur la gazinière, vexé que Tommaso, ce primate de la gastronomie, ce bouffeur de barres chocolatées Lion et de babybel, se permette de lui donner des leçons de cuisine.
— Bon, explique-moi en quoi cette foutue termite n’est pas une franc-tireuse isolée à des milliers de kilomètres de sa colonie ! Et qu’est-ce qui prouve d’abord qu’elle a embarqué dans mes jardinières et pas dans l’un de vos trous du cul de scientifiques ?
— C’est quoi la fumée qui sort de cette casserole ?
— Merde ! Merde ! Merde !
Le cerveau de Phil souleva le couvercle avec un torchon et vit que presque toute l’eau s’était évaporée. Il remplit de nouveau la casserole et la remit sur le feu.
— C’est un termite, qu’on dit, lança Tommaso, c’est du masculin ».

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