29 oct. 2012

Écrire & Fumer (17)

Une fois, Teufel s’était opposé aux directives de Hansen, arguant qu’il ne recevrait d’ordre que du Pacha en personne (Teufel était un ancien de la Marine Nationale). Le docteur Wodel avait emboîté le pas au chef mécanicien et avait prétendu qu’il était de son devoir de médecin du bord d’examiner Cosme pour apprécier si son état physique et mental était compatible avec le commandement d’un brise-glace lancé sur les eaux glaciales de l’Antarctique.
Le second capitaine Erik Hansen, qui n’était pas un mauvais bougre, n’essaya pas de les convaincre de sa loyauté. Il fit ce que ni Wodel ni Teufel n’avaient véritablement anticipé. Il les invita à se rendre dans la cabine du capitaine Cosme.
En ressortant de la cabine, Teufel et Wodel étaient livides. Livides, et les vêtements imprégnés de la même odeur de tabac froid que le second.
Le capitaine Cosme était en pleine capacité à commander le navire, assurèrent-ils. La vigueur de son esprit allait au-delà de celle qui aurait été la marque d’une intelligence supérieure.
Le capitaine Cosme était l’incarnation de l’Esprit. Son aspect physique dégageait un sentiment de force et de sécurité plus qu’aucun autre homme du bord. Wodel n’avait pas eu à sortir les ridicules oripeaux de sa profession pour juger que la santé de cet homme était à toute épreuve et que sa complexion était celle d’un immortel (bien que l’homme eût une consommation immodérée de cigares : l’air de sa cabine était saturée de fumées bleues). Mais lui comme Teufel étaient sous le choc.
Ils ne surent dire si la violence de l’impression était due au tatouage qui couvrait l’entièreté du visage du capitaine Cosme ou si l’officier avait laissé sur leurs âmes l’empreinte brûlante de son autorité naturelle. Quoiqu’il en fût, ils ne remirent plus en question la loyauté d’Hansen et se félicitèrent de n’avoir pas à côtoyer un homme comme le commandant du Tsibalt. L’exotisme a ses limites.
Dave avait conclu l’affaire par un « ’ain » sans appel et on était passé à autre chose.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire