15 sept. 2012

In God We Trust (2)

Il fallut quatre heures à Goran pour réassembler les pièces : « C’est pas du Ikéa, pas vrai ? ». Le résultat était terrifiant. Le hangar était vide, la lumière de fin de journée frappait l’œil-de-bœuf de la façade en briques rouges. La lumière faisait danser la poussière dorée des ivraies de blé (le hangar E était à proximité d’un immense silo en béton). La lumière arrosait la chaise électrique comme une poursuite de music-hall. Goran dit : « Fais ton boulot, Petit. »
Ouais. Goran se marrait. Un très mauvais moment à passer. Milan et Goran, deux anciens légionnaires, étaient entrés au service d’Eddy depuis moins d’une année. Enfin, « entrés », c’est une façon de dire : Mickey Kozarski les avait imposés à Eddy après leur avoir ordonné d’éliminer le bras droit d’Eddy, Massimo Korvowicz. C’était un jour que Mickey avait arrangé une rencontre entre un Russkof et Eddy. Ledit Russkof s’appelait Vladimir. Vlad était ok pour acheter les stocks de viande folle des boucheries Mauser. Vlad achetait cash. Vlad sauvait Mauser de la faillite. C’est comme ça qu’Eddy Mauser était devenu le débiteur de Mickey. Le cadavre de Korvowicz était là pour sceller l’affaire. La gorge ouverte : la signature de Vlad l’enchanteur.
Eddy Mauser était donc, à juste titre, terrifié par Goran et Milan. Eddy, le vétéran du Milieu. Eddy jouait gros en préparant son coup. Au moindre soupçon, les Yougos l’égorgeraient. Ils étaient là pour ça. Mais Eddy était prêt à tout pour se délivrer du Mal.
Eddy savait que Mickey s’était gavé comme un porc toutes ces dernières années. L’idée d’Eddy : saigner le Big K.
Eddy en avait gros sur la patate des humiliations que lui infligeait Mickey. La mort de Korvo et tout le reste… Le temps de la levée des dividendes était arrivé. Avec son pote Elvis, la père à Raoul, Eddy avait concocté un plan.
Mais pour cela, il fallait nous faire entrer dans la place. Raoul et moi.
Façon agneaux dans la crèmerie du loup. Alors Eddy avait dit à Mickey : le fils à Elvis, vous savez le photographe… « Il me le faut, avait-il dit, j’ai beaucoup aimé son travail sur les subprimes. » Alors Eddy avait avancé ses pions : lui et son pote écrivain sont dans la dèche… « Ah oui, Eddy, dis tout à Mickey. »
Mickey  avait sorti un mouchoir rose et se caressait les joues. Eddy dit : je leur propose un peu de fric pour faire le teasing de votre soirée « électrique », vite fait, bien fait, Raoul fait les photos, l’autre pond des textes raccords. Les deux zigues ne seront pas informés qu’ils bossent pour vous. Faut y aller en douceur, surtout que Raoul a été pas mal échaudé par l’expérience américaine. Mais quand il sera mêlé à nos affaires, Milan et Goran sauront leur signifier que « tout boulot commencé doit être terminé ». Ils vont vous manger dans la main comme des petits oiseaux. « Magique ! », avait couiné Big K.
Quant à moi, à ce moment là, j’attendais mon heure.

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