27 sept. 2012

Terra incognita : combats

Madame,

Les notices, modes d’emploi, posologies, étiquettes, et autres textes informatifs — car nous sommes dans l’ère de l’information, bon sang —, toutes ces sources de savoirs élémentaires, mises ensemble, composent une carte infrangible et secrète des très sacrées bosses de la connaissance.
Une personne incapable de sentir cela, même une seule fois, devant une notule informative, n’est pas une personne saine d’esprit (à cet endroit, madame, je pense très sérieusement
à votre boucher, monsieur Pascal Blaise, qui vous vendit des amourettes de mouton prétendant qu’elles étaient de veau —
si j’avais été là, je le tuais).
Pour combattre, madame, il faut monter au sommet d’une colline. La règle est simple. Pour monter au sommet d’une colline il faut avoir la foi ; et une foi solide. Le sommet des collines est généralement peuplé de la Vierge de la Guadalupe (la Parfaite Vierge Marie et Sainte Mère de Dieu, notre Reine), c’est pourquoi il faut être très attentif au chant des oiseaux.
Ma mère, ma pauvre mère disait : « Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ? ». Je ne l’ai jamais su. Combattre, j’espère qu’il n’y a pas d’équivoque, madame, n’est pas un choix, surtout, en fait, lorsque c’est contre un archange et que sa propre mère a de l’écume aux lèvres et se tord de douleur et qu’elle est plus dure qu’un caillou. Alors finalement, la lecture des étiquettes est la seule solution.
Mais si par une atroce combinaison de hasards, madame, vous vous trouviez au beau milieu d’une plaine, voilà ce qu’il vous faudrait faire. Il est évident que, dès lors, vous l’aurez entendu, la Vierge de la Guadalupe ne saurait être là. Qu’est-ce qu’on en a à foutre ? Il y a tant d’autres combats à mener. À titre indicatif (ou informatif), je vous dresse une liste des combats dont vous pourriez bien vous régaler si, par cette atroce combinaison de hasards, vous vous trouviez au milieu de la Pampa humide : vous y verriez Homère combattre Hésiode (d’un vigoureux swing, Homère écrase le larynx d’Hésiode de sorte que, privé de sa voix, le vieil homme antique pleure devant les portes d’Holywood (Irlande du Nord)) ; vous y verriez Adam Smith combattre Jean-Baptiste Colbert (inutile de vous en dire plus, vous connaissez l’issue du combat : avec sa main invisible Smith enfonce des épingles dans les noix de Colbert) ; vous y verriez Roald Amundsen combattre Robert Falcon Scott (les peaux de bêtes amples du premier rendant fou de douleur les beaux habits de laine cintrés du second) ; vous y verriez les Beatles combattre Elvis Presley (le King sort un flingue et tire dans les nuages car il voit la figure de Staline) ; vous y verriez tant de choses, madame, vous y verriez, bien affectueusement,
votre très humble et dévoué capitaine Dupré.

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